Le Général et l'Épervier by Pierre Nemours

Le Général et l'Épervier by Pierre Nemours

Auteur:Pierre Nemours [Nemours, Pierre]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2265012327
Éditeur: Fleuve Noir


CHAPITRE X

Un peu après minuit, un nuage voila la lune et la progression devint encore plus difficile. Depuis près de quatre heures, Jacques Rivière marchait soit à côté, soit derrière Sancho Zelayo, un guérillero jovial et tranquille, la carabine à l’épaule, un impressionnant machete passé dans la ceinture.

Derrière venaient deux autres hommes, de pauvres colonos ou ouvriers agricoles devenus maquisards, munis eux aussi du machete, mais sans arme à feu. Tous trois étaient des ladinos, et parlaient entre eux un langage incompréhensible où leurs ancêtres indiens se seraient sans doute reconnus.

Vers 22 heures, Sancho Zelayo avait décrété la pause. On avait grignoté, assis au pied d’un grand arbre, quelques galettes de maïs et avalé un verre d’alcool raide. Et l’on était reparti. De descente dans les creux en escalades vers une entaille de la montagne, de cônes volcaniques en lacs enchâssés dans la sylve, le Français avait l’impression de reconnaître des paysages dans la nuit, finissait par se demander si cette longue marche n’avait pas d’autre but que de lui faire totalement perdre le sens de l’orientation. Les rares apparitions de la lune dans un ciel généralement couvert ne lui permettaient pas de s’orienter. À chacune de ses questions, son guide opposait des réponses évasives. On allait bientôt arriver, mais il se gardait bien de dire où.

Faute de mieux, Rivière s’enfermait dans ses pensées, revenait sur l’étrange remarque du Gavilan : « Vous devez être un personnage important, señor… » Et en effet, pour qu’il lui soit arrivé tant de choses en si peu de temps, il fallait qu’il constituât une pièce maîtresse dans le jeu qui se jouait à son insu au Salvador. Mais ce n’était possible qu’à condition que sa véritable personnalité et la nature de sa mission fussent connues. Donc, il fallait qu’il y ait eu fuite.

Il touchait là à l’essentiel. Au Salvador, un seul homme connaissait cette mission. Maxence Maradais. Émile Troff, l’ingénieur en chef, lui-même, n’avait été mis au courant que lors de la visite de Rivière à Utalco, c’est-à-dire après la filature et l’agression bidon du premier soir.

Et encore, raisonna-t-il, le directeur d’Expindus ne l’avait jamais rencontré. Pourtant, quelqu’un l’avait désigné « physiquement » au motocycliste qui l’avait pris en charge. Et comme il avait communiqué avec Maradais depuis une cabine téléphonique de la poste centrale, il fallait qu’il eût été filé dès sa sortie de l’hôtel Santa Catalina où il venait d’arriver.

Conclusion absurde, puisqu’il brouillait les pistes depuis son départ de Paris. Cette pensée le fit s’arrêter pile sur le sentier rocheux où progressait le petit groupe, au point que l’un des hommes qui suivaient buta contre lui avec un juron furieux. Il repartit mécaniquement. Si la fuite ne venait pas de Maradais, il fallait bien qu’elle se fût produite à Paris, avant son départ… Il entreprit de reconstituer minutieusement ses entretiens au siège social d’Expindus, puis ses conversations avec son patron, le général Lemoine, ses démarches en vue de réunir la documentation nécessaire, son escale à Montréal…

Cette fois, ce fut lui qui buta dans Sancho Zelayo.



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